Comportement non linéaire synchronisé
dans les écoulements cisaillés


thèse soutenue le jeudi 16 décembre 1999

LADHYX - École polytechnique, Palaiseau

directeur de thèse : Patrick Huerre

Benoît PIER


Cette étude est consacrée aux écoulements qui se mettent à osciller de façon spontanée. Sans action extérieure, de petites fluctuations aléatoires, inévitables dans un système physique, sont amplifiées dans certaines régions. Ces perturbations peuvent croître sur place ou être emportées par l'écoulement vers l'aval tout en continuant à se développer. Si l'instabilité du milieu est suffisamment forte, ces perturbations ne seront jamais évacuées vers l'aval mais contamineront tout le système. Ces fluctuations puisent leur énergie dans l'écoulement sous-jacent ; leur amplitude saturera forcément puisque les ressources disponibles sont limitées. Ce scénario peut conduire à un comportement désordonné et imprévisible : c'est le cas des écoulements turbulents. En revanche, une croissance transitoire des perturbations peut aussi aboutir à un régime stationnaire où les fluctuations s'installant aux différents endroits sont toutes accordées à une même fréquence. Une telle synchronisation est le fruit d'une résonance au sein de l'écoulement.

L'analyse du modèle simplifié de Ginzburg-Landau à coefficients complexes a permis de dégager deux critères de sélection de fréquence donnant lieu à deux types de structures synchronisées : des modes chapeaux et de modes éléphants. Les modes chapeaux présentent une enveloppe et un nombre d'onde local lentement variables sur tout le domaine alors que les modes éléphants sont caractérisés par un front raide tourné vers l'amont. Le critère de sélection des chapeaux repose sur un point-selle de la relation de dispersion non linéaire locale ; la fréquence des éléphants, en revanche, est déterminée par le front qui se situe au bord amont de la région d'instabilité absolue locale. Ces deux mécanismes de résonance s'excluent mutuellement : un seul mode est possible dans une situation donnée.

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Structures synchronisées non linéaires de type chapeau et de type éléphant vivant dans l'équation de Ginzburg-Landau à coefficients complexes lentement variables en espace.



Les techniques et les critères développés dans le cadre du modèle se généralisent aux écoulements réels. C'est ainsi que la fréquence de production de tourbillons dans un sillage (allée tourbillonnaire de Bénard-Kármán) est correctement prédite par le critère de sélection des modes éléphants.
L'état de base est un écoulement de type sillage dont l'évolution spatiale est contrôlée par un gradient de pression. La faible inhomogénéité spatiale permet de calculer les propriétés linéaires et non linéaires locales. C'est à partir de ces caractéristiques locales qu'on prédit théoriquement la fréquence et la structure spatiale globales de l'allée tourbillonnaire. Les résultats théoriques sont en excellent accord avec des simulations numériques directes.

Allée tourbillonnaire de Bénard-Kármán auto-entretenue dans un sillage
(simulation numérique directe, RE=100)

Visualisation des lignes d'émission:
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